Jane Evelyn Atwood

pigalle people 1978-1979

10 octobre - 30 novembre 2019

pigalle people 1978-1979 | Jane Evelyn Atwood

pigalle people 1978-1979 | Jane Evelyn Atwood

pigalle people 1978-1979 | Jane Evelyn Atwood

pigalle people 1978-1979 | Jane Evelyn Atwood

pigalle people 1978-1979

En une vingtaine de tirages argentiques en noir & blanc, Jane Evelyn Atwood dévoile la vie des transsexuelles de Pigalle dans les années 80.

Dès ses premiers reportages, Jane Evelyn Atwood a posé la question de la distance, tout autant celle qui la sépare de son sujet que celle qui se fixe, souvent spontanément, entre un spectateur et une photographie. Il en est ainsi de Pigalle People, réalisé en 1978 et 1979, juste après Rue des Lombards (Xavier Barral, 2010), centré sur Blondine, fille de joie au grand cœur. Pigalle, donc, encore dans son jus parisien, peuplé de bonneteurs, de flics et de boxonneurs, de marchands de marrons et de catcheurs d’occasion, de touristes à gogo flânant autour du Moulin Rouge et de celles qui furent longtemps considérées comme appartenant au folklore local, les transsexuelles.

Quarante ans après, ces portraits touchent par leurs grains de beauté et d’humanité. Jane Evelyn Atwood, alors jeune photographe, a su donner vie à ces amantes offensées, sans ajout mythologique, préférant le réel, sa dureté, à l’éblouissement du miroir. Elle a retenu le face à face, qui deviendra sa marque de fabrique, laquelle lui permet d’être à la bonne distance, avec cette liberté d’écriture nécessaire à toute création. Si elle n’est pas un caméléon, cela ne l’empêche pas d’être très concernée, que ce soit avec la transidentité, ou les non-voyants, les femmes en prison, Haïti…

Ce qu’elle voit n’est pas joyeux, – alcool, drogue, déprime, tentatives de suicide -, mais qui pourrait se vanter de tapiner à Pigalle en restant zen ? Cent balles la passe, et plus si affinités, Miranda, Nouja, Barbara, Ingrid… résistent aux stéréotypes, ce ne sont pas des monstres de paillettes ou des idoles d’occasion, mais des êtres en quête de pureté. D’où leur extrême fragilité, et ce sentiment d’échec qui peut les mener au désastre, bataille à corps perdu avec leurs âmes errantes, comme s’il fallait payer cash le désir d’être quelqu’un d’autre.

Il y a aussi des instants magiques, dignes des planches du cabaret où travaillent Raymonde et Caline, poses acrobatiques (sur le capot d’une voiture) ou abandons majestueux (retouches de maquillage). Au pied de la station de métro, se tient Valérie, telle Pénélope attendant son Ulysse, patience, audace et volupté. Vraiment, elles ont la classe. Elles essaient de survivre malgré l’ostracisme et les inepties qui traversent le temps, comme du poison dans le sang. Elles sont au plus près de leur vérité.

Pour éviter un huis clos solitaire, Jane Evelyn Atwood, souvenir de son enfance au pays de John Ford, ne cherche pas à encercler ses héroïnes, la photo n’est pas un rodéo. La famille des transsexuelles croise d’autres familles, les gosses du quartier, les commerçants, les gens de passage, les abonnés au cinéma porno, les badauds… La rue appartient à tous, c’est notre bordel. Ce contexte est indispensable pour aider le spectateur à choisir, s’il le souhaite, sa place sur la photographie. Dans l’escalier, sous une porte cochère, au bistrot, ou à même le trottoir, histoire de tenir compagnie à ces nobles héritières de Notre-Dame-des-Fleurs.

Brigitte Ollier, septembre 2019

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